Dar es Salaam, Tanzanie — D’éminents analystes des politiques et chercheurs participant au Congrès du riz en Afrique – première réunion du genre qui se tient en Tanzanie pour tracer la voie pour la recherche et le développement rizicoles en Afrique subsaharienne – ont insisté que pour réaliser une révolution verte à base riz dans la région, il faudrait accorder et de façon urgente la même attention à quatre domaines : politique ; renforcement des capacités ; développement et transfert de technologies ; et infrastructures.
Politique
Expliquant les leçons importantes que l’Afrique peut tirer de la révolution verte en Asie, le lauréat du Prix mondial de l’alimentation, Dr G.S. Khush, a donné l’exemple de l’Inde et a dit que le développement des variétés à haut rendement n’aurait pas pu à lui seul stimuler la production du riz en Inde dans les années 1960, qui a abouti à sa révolution verte.
« Ce fût une combinaison de facteurs de réussite qui ont inclus la décision du Gouvernement de soutenir ses riziculteurs en accordant des subventions aux engrais, en soutenant les prix et en facilitant le marché, en plus des facilités comme l’irrigation, les routes et les machines. »
Les participants au Congrès ont exhorté les gouvernements africains à soutenir leurs riziculteurs, plutôt que de dépendre de plus en plus de l’approvisionnement extérieur du riz. Les importations de riz de l’Afrique subsaharienne couvrent environ 40 à 45 % de son approvionnement total en riz et représentent le tiers des importations mondiales.
Prof. E. Tollens, expert en recherche sur les politiques agricoles, a souligné que les stocks mondiaux de riz étaient actuellement à leur niveau le plus bas (environ 100 millions de tonnes) dont 58 % pour la Chine. Il a dit qu’un signe positif était que le riz localement produit devenait plus compétitif depuis la montée des prix internationaux du riz à partir de 2002.
Renforcement des capacités
La nécessité de renforcer les capacités des ressources humaines le long du continuum de la recherche et du développement rizicoles a été soulignée dans toutes les réunions du Congrès. La capacité de toute la gamme des acteurs rizicoles – depuis les chercheurs riz jusqu’aux paysans et aux transformateurs en passant par les agents de vulgarisation – doit être renforcée en vue d’améliorer la filière riz dans les pays africains.
Les participants ont remercié la Fondation Rockefeller pour le financement du projet de renforcement des capacités en matière de sélection et de biotechnologie en cours d’exécution en Afrique orientale. Ils ont fortement recommandé que de tels projets soient mis en œuvre en Afrique de l’Ouest. Dr S. McCouch de l’Université de Cornell, qui a été l’une des premières supportrices du renforcement des capacités des chercheurs africains, a suggéré qu’une proposition coordonnée de renforcement des capacités pour la sélection rizicole et la biotechnologie pourrait être soumise pour financement.
Dr P. Seck, Directeur général de l’ISRA au Sénégal et Directeur général désigné de l’ADRAO, a dit : « Le renforcement des capacités des Africains est essentiel. Mais tous nos efforts échoueront si nous ne pouvons pas donner à nos agents formés les bonnes conditions de travail et les incitations pour éviter la fuite des cerveaux. »
Développement et dissémination des technologies
Le Congrès a offert une grande opportunité aux chercheurs riz nationaux et internationaux de planifier le développement de variétés améliorées de riz pour l’avenir, en particulier la prochaine génération du Nouveau riz pour l’Afrique (NERICA). Les NERICA de plateau et de bas-fond font la grande différence dans beaucoup de pays africains.
Le NERICA se réfère au croisement réussi par les chercheurs du Centre du riz pour l’Afrique (ADRAO) des deux espèces de riz cultivé pour produire des plantes (appelées interspécifiques) qui ont une meilleure performance par rapport aux deux parents, avec un accent sur les rendements élevés du parent asiatique et la capacité de prospérer dans les environnement difficiles du parent africain.
Le principal point focal de la prochaine génération des NERICA sera d’améliorer leur résistance aux stress environnementaux, en particulier la sécheresse, les maladies et les ravageurs, tout en améliorant leur potentiel de rendement et leur utilisation efficace des nutriments et de l’eau, à l’aide d’outils scientifiques avancés.
Dr McCouch a souligné que les chercheurs riz sont particulièrement privilégiés parce que le riz est la première culture dont le séquençage du génome a été entièrement réalisé et puisque cette réalisation a été faite avec des fonds publics, cette information génomique inestimable appartient au domaine public, à la différence de celle du blé ou du maïs.
« Aujourd’hui, les chercheurs riz ont de nouvelles opportunités d’utiliser les outils de la génétique moderne, » a déclaré Dr McCouch. La recherche rizicole en Afrique bénéficiera énormément aussi bien de la nouvelle collaboration entre l’ADRAO et l’IRRI que de celle avec African Agricultural Technology Foundation (AATF).
L’un des facteurs clés du succès des NERICA a été la découverte des gènes de l’espèce africaine de riz cultivé O. glaberrima, dont des accessions ont été collectées et conservées dans la banque de gènes de l’ADRAO. De la même façon, des espèces de riz sauvage et envahissant abritent beaucoup de gènes capables d’améliorer la performance du riz asiatique. Le Congrès a mis en exergue la valeur de la collecte et de la conservation des ressources génétiques de toutes ces espèces de riz.
Les participants ont insisté sur le fait que les variétés doivent être considérées comme faisant partie du système de gestion intégrée des cultures et que la même priorité doit être accordée à la biotechnologie et à l’écotechnologie.
Des systèmes novateurs et appropriés de gestion de l’eau, y compris le système « Sawah », doivent être explorés en vue de maximiser le potentiel élevé des bas-fonds africains. « Cependant, la priorité devrait être accordée aux systèmes améliorés existants de gestion des cultures et de l’eau, avant d’introduire de nouveaux systèmes de l’extérieur, » a déclaré Dr O. Niangado, Délegué de la Fondation Syngenta.
Il a été reconnu que les technologies de gestion intégrée des ravageurs et de gestion intégrée des ressources naturelles sont plus coûteuses et difficiles à disséminer aux paysans. Etant donné que l’approche de la sélection variétale participative a été très couronnée de succès dans la dissémination des NERICA, les participants ont recommandé qu’il serait intéressant d’extrapoler cette approche pour les technologies de gestion intégrée des ravageurs et de gestion intégrée des ressources naturelles.
Infrastructure
« Il ne peut pas y avoir une production de riz à grande échelle sans l’utilisation des machines, » a dit Dr Khush. Les participants sont d’avis que de petites machines appropriées et peu coûteuses pour la riziculture doivent être développées ou introduites et adaptées aux conditions africaines, comme la batteuse-vanneuse de riz ASI, développée à travers le partenariat entre organisations internationales (ADRAO, IRRI), nationales (ISRA et SAED) et des ONG et le secteur privé au Sénégal.
Se référant aux études sur les politiques réalisées par le Centre du riz pour l’Afrique (ADRAO) sur la filière riz au Nigeria, où il a été prouvé que la mauvaise qualité relative du riz nigérian est la première contrainte au développement plus poussé du secteur, Prof. Tollens a déclaré : « Il est important de reconnaître que l’usinage, le nettoyage et le marquage du riz local sont importants pour la commercialisation du riz local. Dans le cas contraire, les consommateurs continuerons de considérer le riz local comme un produit inférieur et il ne servira à rien de continuer à accroître la production de riz. »
Aller jusqu’au bout
L’essence des délibérations du Congrès a été bien saisie par Dr T. Berhe de Sasakawa Global 2000. « Aller jusqu’au bout depuis la recherche rizicole, la dissémination, la production et jusqu’à la consommation en suivant la chaîne de valeur et en accordant la même importance à toutes les étapes, » a-t-il déclaré.
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