À la veille du TICAD, les experts affirment que la dépendance sur les importations de riz est une « solution désastreuse pour l’Afrique » ; la consommation surpasse encore largement la production
COTONOU, Bénin (23 mai 2008) — En 2007, lorsque les gouvernements africains et des dizaines de millions de consommateurs africains pauvres ont été confrontés à une grave crise rizicole, les nouvelles variétés de riz adaptées aux conditions africaines ont permis de contribuer à hauteur de 6 % à l’accroissement du rendement du continent. Selon un rapport publié aujourd’hui par anticipation d’une importante conférence internationale qui se tient au Japon sur le développement de l’Afrique, cet effort est encore loin de satisfaire la demande, bien que cela représente un progrès majeur.
Au cours des cinq dernières années les nouvelles variétés de riz qui sont adaptées aux conditions pluviales ont été distribuées et cultivées sur plus de 200 000 hectares dans plusieurs pays africains, plus particulièrement en Guinée, au Nigeria, en Côte d’Ivoire et en Ouganda selon un rapport du Centre du riz pour l’Afrique.
Les résultats du Projet du nouveau riz pour l’Afrique (NERICA®), qui a été financé par la Banque africaine de développement, le gouvernement du Japon et le Programme des Nations Unies pour le développement, seront examinés la semaine prochaine à Yokohama lors de la Quatrième conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD IV), où les dirigeants du monde et les experts en développement se réuniront pendant trois jours, à partir du 28 mai, pour discuter de questions brûlantes de développement en Afrique.
Les gains des nouvelles variétés de riz ont été obtenus dans un contexte de rapide augmentation de la consommation de riz en Afrique, continent qui importe 40 pour cent de son riz. Tendances rizicoles en Afrique, un rapport publié cette année par le Centre du riz pour l’Afrique, note que la production de riz en Afrique de l’Ouest – la principale ceinture du riz sur le continent – a augmenté de 5,1 pour cent par an de 2001 à 2005, tandis que la consommation a augmenté de 6,5 pour cent par an au cours de la même période. L’Afrique importe plus d’un tiers du riz commercialisé dans le monde ; en 2006, lorsque les prix étaient beaucoup plus bas, les importations de riz de la région ont coûté 2 milliards de dollars US.
« Le fait de dépendre autant du riz d’autres pays est une solution catastrophique pour ce continent » a dit Dr Papa Abdoulaye Seck, Directeur général du Centre du riz pour l’Afrique, l’un des 15 centres soutenus par le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI). « À moins que les chefs de gouvernement ne prennent une action forte dès maintenant, la relance économique amorcée dans beaucoup de régions d’Afrique va disparaître. Il nous faut des solutions à court et à long terme qui vont accroître la production rizicole en Afrique. » L’Initiative africaine sur le riz du Centre gère le projet NERICA® de 35 millions de dollars US, d’une durée de cinq ans qui a démarré en 2005.
En moins de trois ans, l’impact du projet a été significatif dans les sept pays du projet – Bénin, Gambie, Ghana, Guinée, Mali, Nigeria et Sierra Leone. Selon la FAO, la Guinée a atteint une récolte record de 1,4 million de tonnes en 2007 – 5 pour cent plus élevée qu’en 2006 et la récolte la plus importante de son histoire, en grande partie du fait du soutien massif du gouvernement à la dissémination du NERICA®. La production nationale du riz couvre maintenant près de 70 pour cent de la consommation.
Au Nigeria, le gouvernement a annoncé que les importations de riz dans le pays ont été réduites passant de 2 millions de tonnes en 2003/04 à moins de 1 million de tonnes en 2005/06. De plus, les autorités ougandaises ont rapporté que le pays a réduit ses importations de riz qui passent de 60 000 tonnes en 2005 à 35 000 tonnes en 2007, ce qui fait économiser aux Ougandais environ 30 millions de dollars US. L’initiative a permis de disséminer les variétés améliorées de riz dans près de 30 pays africains, y compris les pays post-conflit.
De façon globale, depuis 2005, le projet a produit plus de 10 000 tonnes de semences de riz amélioré. Les experts du Centre du riz pour l’Afrique estiment qu’une tonne de ces semences est suffisante pour semer 20 hectares. Le projet a formé 6 500 paysans, dont plus de la moitié sont des femmes, à la production de semences de haute qualité. De plus, l’initiative a aidé à former 1 225 techniciens.
Accroître la production agricole en Afrique
Pendant la réunion du TICAD, les experts du Centre du riz pour l’Afrique parleront de l’importance d’accroître la production agricole sur le continent en vue d’améliorer l’autosuffisance alimentaire et de réduire la dépendance sur les denrées alimentaires importées et l’aide alimentaire. Les chercheurs ont déclaré que parmi les populations à travers le monde qui ressentent les effets de la flambée des prix des principales denrées telles que le riz et le maïs, les Africains ont été les plus touchés.
Au cours des derniers mois, des émeutes alimentaires ont éclaté dans plusieurs pays importateurs de riz en Afrique. Selon le Centre du riz pour l’Afrique, la meilleure option pour l’Afrique est de combiner les mesures d’urgence à court terme à celles favorables à l’expansion durable de l’approvisionnent du continent en riz à long terme.
Les mesures à court terme incluent la réduction des droits de douanes et des taxes sur le riz importé et la mise en place de mécanismes visant à éviter la spéculation sur les marchés du riz. Cependant, les gouvernements doivent veiller dans le même temps à ne pas compromettre les mesures incitatives à la production nationale du riz. Dans le moyen et long terme, il faudra réduire la taxe sur tous les intrants importants, la machinerie agricole permettant de réduire les coûts de production, les équipements et les technologies post-récolte.
Les gouvernements doivent aussi faciliter l’accès des acteurs du secteur national du riz aux services financiers et au crédit ; augmenter l’investissement dans les technologies de gestion de l’eau ; agrandir les superficies rizicoles irriguées ; augmenter l’investissement dans la capacité régionale de recherche en vue de soutenir le développement des variétés de riz résistantes aux principaux ravageurs et maladies et suffisamment robustes pour résister aux chocs induits par la sécheresse et le changement climatique ; et accélérer l’investissement dans l’infrastructure rurale telle que les routes, le transport, le stockage et la communication en vue de renforcer la capacité des riziculteurs à répondre aux signaux du marché et à améliorer leur accès au marché.
Les inquiétudes par rapport à la dépendance sur les importations alimentaires dans la région ont déjà conduit à une mobilisation des ressources en direction du secteur riz au Burkina Faso, au Ghana, au Liberia, au Mali, au Nigeria, au Sénégal et dans plusieurs autres pays, qui comptent relancer leur production nationale du riz par l’utilisation à grande échelle des technologies améliorées. L’Afrique a déjà montré sa capacité d’augmenter significativement la production rizicole. De 1985 à 2005, la production en Afrique de l’Ouest a plus que doublé, passant de 2,76 millions de tonnes à 5,75 millions.
« Nous sommes convaincus que l’avenir de la riziculture se trouve en Afrique, » a déclaré Dr Seck. « Ce continent a beaucoup plus de potentiel que toute autre région du monde, compte tenu de ses ressources en terre et en eau. Nos études ont révélé que la production locale du riz en conditions irriguées peut être compétitive comme en Asie et beaucoup moins coûteuse qu’aux États-Unis. »
Avant la réunion au Japon, le Président du Conseil des ministres du Centre du riz pour l’Afrique a signé une déclaration saluant l’investissement à long terme du Japon dans la science et la technologie en vue du développement durable de l’Afrique. Le Conseil a, en particulier, noté non seulement l’investissement actuel dans les variétés de riz à haut rendement, mais a aussi déclaré que le Japon a envoyé des centaines de chercheurs agricoles en Afrique au cours des dernières décennies et a contribué au total 593 millions de dollars US au Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) depuis sa création en 1971.
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