Cotonou, Benin — Le lancement régional du projet financé par la Banque africaine de développement (BAD) pour la dissémination du nouveau riz pour l’Afrique (NERICA) a eu lieu le 12 mai 2005 lors d’une cérémonie officielle à Accra au Ghana. Les activités du projet seront coordonnées par l’Initiative africaine du riz (ARI) qu’abrite le Centre du riz pour l’Afrique (ADRAO).
Ce lancement marque le point culminant de plusieurs mois de travail de préparation par l’ARI et les pays pilotes du projet, conformément à l’engagement pris par la BAD en septembre 2003 lors de la signature d’un accord sur une subvention et prêt d’un montant de 35 millions de dollars pour appuyer pendant cinq ans la dissémination des NERICA dans sept pays de l’Afrique de l’Ouest.
La subvention et le prêt sont mis en vigeur en février 2005 lorsque tous les pays pilotes ont rempli les conditions de la Banque. Parmi ces conditions il y avait la mise en place d’un Comité de direction, des Unités de coordination et des plates-formes des acteurs au niveau national ainsi que la nomination des Coordinateurs nationaux dans les pays pilotes.
Ce lancement régional du projet à Accra n’est pas seulement important pour le Ghana, mais aussi pour la Gambie, le Nigéria, et le Sierra Leone, qui constituent les pays pilotes d’expression anglaise du projet. Le lancement régional du projet pour les pays pilotes d’expression française – Guinée, Bénin et Mali– sera fait le 19 mai 2005 à Conakry en Guinée.
« Le lancement du projet BAD-ARI est particulièrement gratifiant pour l’ADRAO, qui a développé le NERICA, parce qu’il témoigne de la prévoyance du Centre en créant l’ARI pour servir d’unique canal ciblé pour les efforts de dissémination des NERICA à travers l’Afrique subsaharienne », a déclaré Dr Kanayo F. Nwanze, Directeur général de l’ADRAO, dans son message lors de la cérémonie de lancement du projet. Il a ajouté que le projet concorde aussi avec l’appui du NEPAD aux NERICA comme l’une des « meilleures pratiques qui vaillent la peine d’être intensifiées » à travers le sous-continent.
Dr Nwanze a remercié tous les partenaires, notamment les gouvernements des pays pilotes, l’Unité régionale et les Unités nationales de coordination qui n’ont ménagé aucun effort pour que ce lancement ait lieu. « L’appui de la BAD au projet démontre son engagement fort pour la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté dans la région la plus pauvre du monde», a-t-il déclaré.
« Nous sommes également reconnaissants envers la Fondation Rockefeller qui a défendu la cause de l’ARI depuis le début, et envers le Japon, le PNUD et Sasakawa Global 2000, qui ont été ses fidèles supporters et partenaires. »
L’objectif du projet est d’aider les petits producteurs des pays pilotes à améliorer la production rizicole et les revenus par la dissémination des variétés de NERICA et des technologies complémentaires de l’ADRAO. Environ 80% des bénéficiaires ciblés du projet sont des pauvres en milieu rural, en majorité des femmes.
Le projet estime qu’environ 33.000 familles paysannes seront impliquées dans la stratégie de sélection variétale participative (PVS) pour accélérer la dissémination des NERICA. On estime qu’environ 400.000 ha de terres supplémentaires seront sous culture NERICA vers la cinquième année du projet. On s’attend à ce que la facture d’importation des sept pays baisse de près de 100 millions de dollars américains.
Selon les économistes de l’ADRAO, la demande de riz en Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC), la ceinture du riz en Afrique, croît à un taux de 6% par an – plus rapidement que partout ailleurs dans le monde. Cette croissance est en grande partie le résultat de l’urbanisation, qui croît au taux de 3,5% par an en Afrique – encore le taux le plus élevé dans le monde – ainsi que le changement des préférences des consommateurs. Puisque la production nationale du riz ne peut pas satisfaire cette demande sans cesse croissante, les importations de riz ont été multipliées par huit, à 4 millions de tonnes depuis les années 1960, pour un coût annuel d’un milliard de dollars américains.
« Le lancement du Projet NERICA BAD-ARI vient donc à point nommé », a commenté Dr Inoussa Akintayo, Coordinateur de l’ARI. L’avantage du NERICA réside dans ses caractéristiques qui combinent : hauts rendements, maturité précoce, résistance aux stress locaux et goût agréable.
En milieu paysan, les variétés pluviales de NERICA permettent d’accroître le rendement des variétés de plateau de moins d’1 t à plus de 1,5 t à l’hectare. Avec une application minimale d’engrais, les rendements peuvent atteindre jusqu’à 3 t à l’hectare. Le NERICA mûri 30 à 50 jours plus tôt que les autres variétés de riz cultivées dans la région. Cette caractéristique est particulièrement très précieuse pour les femmes rurales pour combler la ‘période de soudure’ lorsque les stocks de nourriture de la récolte précédentes sont épuisés et que les cultures de la saison en cour ne sont pas arrivées en maturité.
Ainsi, les variétés NERICA offrent des opportunités pour une intensification durable des systèmes de production rizicole de plateau, augmentent les revenus des ménages des paysans et la part du marché du riz produit localement. En reconnaissance de l’énorme potentiel des NERICA pour la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté en Afrique subsaharienne, Dr Monty Jones, communément appelé Papa NERICA, a été sélectionné co-lauréat du Prix mondial de l’alimentation pour l’année 2004.
Les NERICA pluviaux sont cultivés sur plus de 100.000 ha dans toute l’Afrique, dont 70.000 ha en Guinée et plus de 10.000 ha en Ouganda. « La dissémination des NERICA peut être accélérée à travers des programmes comme le projet NERICA BAD-ARI », a expliqué Dr Akintayo. Le projet s’appuiera sur le succès du projet NERICA de Guinée basé sur le partenariat et financé par la Banque mondiale, qui avait été initié en Guinée à la fin des années 1990.
Il va adopter les approches participatives adaptées à l’Afrique telles que la sélection variétale participative (PVS) et le système de production de semences à base communautaire (CBSS), qui ont joué un rôle capital dans le succès du projet NERICA financé par la Banque mondiale. Il aura quatre composantes majeures : transfert de technologies, appui à la production, renforcement des capacités et coordination des projets.
Puisque le manque de semences est le grand goulot d’étranglement dans la dissémination des NERICA, le projet prévoit mettre un effort particulier sur la production des semences. Il va aussi aborder le manque de technologies de transformation du riz dans la région.
Le lancement du projet BAD-ARI ouvre ainsi la voie à la dissémination coordonnée à grande échelle des NERICA en Afrique de l’Ouest. Dr Nwanze a exprimé le souhait que des projets similaires soient lancés en Afrique Centrale et Orientale où la demande de NERICA augmente rapidement. Il a annoncé que l’ADRAO, en étroite collaboration avec ses partenaires nationaux, a réalisé récemment une autre percée scientifique – le développement des NERICA de bas-fond. Les nouvelles variétés sont déjà populaires auprès des paysans. En début 2005, quatre NERICA de bas-fond ont été homologuées au Burkina Faso et deux au Mali.
Dr Nwanze a cependant averti que les technologies, telles que les variétés NERICA de plateau et de bas-fond, ne peuvent pas à elles seules apporter une révolution agraire en Afrique subsaharienne. Elles doivent être complétées par une stabilité politique et sociale ; des politiques agricoles favorables et consistantes ; la suppression des subventions déloyales, des meilleures infrastructures ; l’implication active du secteur privé, des prix d’encouragement pour les produits de qualité ; l’accès des paysans, en particulier les femmes, au crédit ; la promotion massive des produits locaux ; des marchés locaux et régionaux compétitifs ; et un engagement politique au plus haut niveau.
« C’est seulement après cela que nous pourrions profiter de tous les avantages des percées scientifiques telles que les NERICA de plateau et de bas-fond », a conclu Dr Nwanze.
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